Vidéo de présentation: écrire votre futur.

Je déteste travailler dans le vide.

Alors quand j’ai dû passer une année sur la rédaction de mon mémoire universitaire, je voulais créer un impact. Je voulais que mon dossier soit lu comme un livre d’un expert à qui on offre une tribune. Soit: par des centaines, sinon des milliers de personnes. Après douze mois de dur labeur, j’ai payé une fortune pour le faire imprimer et relier pour le distribuer tout mon entourage.

C’était sur les nouvelles formes de monnaie, notamment les monnaies complémentaires à l’euro et les monnaies digitales - enfin surtout le Bitcoin. Je me suis dit que ça allait intéresser un max de monde. 120 pages d’une recherche interdisciplinaire sur le sujet de la monnaie - de l’économie à la sociologie en passant par l’anthropologie et la psychologie. 

J’étais fier de moi. Armé de confiance, j’ai donné chaque exemplaire de mon mémoire à des personnes différentes. Les retours ont été… inexistants.

Personne n’avait eu la patience de le lire. Sauf ma prof et l’experte. Soit les deux personnes qui étaient payées pour le faire.

On croit qu’on sait écrire. Et effectivement, on sait plus ou moins.

Parce que ce qu’on ne sait pas, c’est écrire pour être lu. Et ça change tout.

A l’école - soit à l’endroit où on nous a appris à écrire - il y a des gens qui sont payés pour nous lire. Mais quand vous quittez les bancs de l’école ou de la fac’, plus personne n’est obligé de vous lire. 

Ce n’est plus “vous avez 4h pour rédiger votre dissertation” mais “t’as 3 secondes pour capter mon attention et 8 secondes pour me convaincre que ce que t’as à dire est intéressant. Et dès que ça devient chiant, je quitte.”



Forcément, ça change tout.

Alors certes, les retours de ma prof et de l’experte ont été bons. Elles m’ont incité à poursuivre mes études, à achever un doctorat. Mais l’amertume ayant envahi entre-temps mon palais a eu l’effet d’une révélation. A la question: “est-ce qu’on doit considérer votre candidature pour le poste de doctorant ?” J’ai dit “non, je vais trouver un job dans la pub.”

J’ai vite compris que si je n’arrivais pas à inciter les gens à lire mes idées, je travaillerai toujours dans le vide. Et quoi de mieux que d’apprendre auprès des personnes qui écrivent des trucs que les gens ne veulent pas lire ?

C’est vrai quoi, c’est un drôle de métier que d’arrêter les gens dans la rue ou pendant qu’ils naviguent sur le net pour leur proposer un truc qu’ils n’ont pas demandé. Si vous réussissez, c’est que votre idée et les mots pour l’exprimer sont super puissants. 

Ce n’est pas un hasard que beaucoup de grands auteurs ont commencé comme copywriters. Parmi eux: Elmore Leonard, Salman Rushdie, Frédéric Beigbeder, Francis Scott Fitzgerald ou encore Don De Lillo.

De mon côté, bien sûr la suite n’a pas été un long fleuve tranquille. J’ai galéré à dégoter un job. Qu’on se le dise, les entreprises ne comprennent pas l’importance des mots. Elles ne se rendent pas compte qu’écrire en ligne, c’est construire un patrimoine numérique.

J’ai fini par trouver un stage qui s’est transformé en CDI. Ma mission était d’augmenter le trafic d’un site culturel en ligne. Le site répertoriait les événements dans la région. Il y avait des experts à l’interne qui m’expliquaient les règles du SEO pour que lesdits événements soient trouvables sur Google. 

A la place, j’ai commencé à écrire des histoires autour de ces événements. Par exemple, s’il y avait une exposition sur l’impressionnisme, je racontais des anecdotes sur la vie de Gauguin ou d’un tableau de Van Gogh. Résultat ? Le trafic a quadruplé - de 150 000 visites mensuelles à 600 000.

J’ai commencé à créer mes propres théories. Et le SEO m’emmerdait. Enfin, plus précisément: les consultants SEO qui ne savent pas écrire une phrase correctement mais qui m'expliquaient comment le faire.

Alors j’ai écrit et publié un article à charge sur un site de référence en marketing. Le texte a fait le tour du web. Des dizaines de consultants SEO sont venus m’insulter dans ma boîte mail. Tout autant d’entrepreneurs m’ont proposé des missions, voire un job. Mon patron de l’époque a menacé de me virer si je continuais à écrire sur le web.

C’est là que j’ai compris que l’écriture a une puissance folle. Que je pouvais en vivre. Que c’est, avec la capacité à coder, la compétence la plus précieuse sur le web. Mais que l’écriture en ligne n’avait que peu à voir avec l’écriture comme on me l’a apprise à l’école.

Je passe à la prochaine leçon